Vi regarde les épais rideaux de velours qui cachent la fenêtre. Ils ont toujours été là, enfin depuis longtemps en tout cas, mais ils ne lui ont jamais paru aussi oppressants. Avant elle pouvait les ouvrir en riant, quand elle le voulait. Maintenant, la pièce est plongée dans le noir, et si elle s’est amusée à allumer des petites lumières de plein de couleurs différentes, elle a presque envie de les arracher. Mais elle ne peut plus, maintenant. Elle ne peut plus accompagner sa sœur dehors à cette heure-ci. Vi doit attendre que le soleil se couche, et attendre, elle déteste ça. Elle est impatiente, Vilanelle, elle gigote, soupire, gonfle ses joues comme si ça pouvait changer quelque chose, faire arriver Vasilisa plus tôt, faire se coucher le soleil plus vite, annuler sa malédiction qui l’empêche d’écarter ses maudits pans de tissus qui ressemblent de plus en plus aux barreaux d’une prison.
Elle est un peu énervée, Vi, parce qu’elle s’y est fourré toute seule. Mais elle voulait juste fêter avec sa jumelle. C’est si injuste, même quand elles pouvaient enfin tout avoir, la vie avait décidé de les ramener à la réalité avec cruauté ; et maintenant Vi est morte.
Et elle n’aime pas les inconvénients qui vont avec cette nouvelle condition. Elle n’aime pas ressentir de moins en moins de choses, et surtout elle n’aime pas rester enfermée ici toute la journée, à plus forte raison quand Va sort comme elle l’a fait aujourd’hui.
Elle se décide à quitter la pièce où elle est ; elle a déjà lu cinq fois tous les magazines qui s’y trouvent, essayé de jouer avec la moindre petite chose et même cassé un objet en bois dont elle n’a toujours pas réussi à déterminer l’utilité. Puis elle part se promener dans la maison en sifflotant un air qu’elle a entendu il y a trop longtemps et dont elle ne se rappelle plus l’origine. Peut-être qu’elle va bien finir par retrouver, ou bien qu’elle va enfin finir par mettre la main sur quelque chose d'intéressant, histoire de faire passer quelques minutes de plus qui rapprocherait le moment d’arrivée de sa sœur. Peut-être qu’il va enfin se passer quelque chose.
Mais il faut faire attention à ce qu’on souhaite. Alors qu’elle se balade sans but dans les couloirs en touchant à tout alors qu’elle connaît déjà toutes les étagères par cœur, elle se dirige vers la bibliothèque, prête à se plonger dans un livre quand son souhait s’exauce soudain ; elle entend une voix qui l’appelle. C’est pas celle de Va, mais une qu’elle apprécie presque tout autant. Jamais aucune n’arriverait à la hauteur de celle de sa jumelle, mais celle de Dahlia, qui les avait sauvées, est déjà assez pour la tirer de l’ennui morose dans lequel elle était plongée.
Alors Vi se précipite dans la salle à manger, depuis laquelle elle a entendu la voix de leur mère adoptive.
-Oui Ma’ ! J’arrive !
-Ah, Vilanelle, te voilà. Aujourd’hui est un grand jour.
Elle a un regard curieux, Vi. C’est plutôt rare que Dahlia, ou qui que ce soit d’ailleurs, utilise son prénom complet, alors elle sait que quelque chose d’important se prépare. Elle déteste ne pas savoir quoi et ses yeux pétille d’intérêts mais elle ne va pas tarder à avoir la réponse.
-Oui ? Qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce qu’il se passe ?
Sur la table, elle aperçoit des feuilles de papier à l’air ancien, et une plume qui repose à côté. Le tout semble avoir une aura particulière, mystique - elle n’est pas une sorcière, elle n’a jamais appris la magie mais elle a vécu une grande partie de sa vie entourée par elles. Même si elle lui est toujours restée inaccessible, Vi sait la reconnaître, un peu. Mais avant qu’elle ne pose d'autres questions, Dahlia prend la parole.
-Ma très chère, j’ai réussi à plaider notre cause auprès de la matriarche. Si tu signes ici, tu pourras recevoir un bijou qui pourra te permettre de te balader au soleil, en plein jour. Tu pourras accompagner ta soeur dehors, ne serait-ce pas merveilleux ?
Le visage de Vi s’éclaire au fur et à mesure des mots de la sorcière, et elle n’arrive plus à contenir son excitation quand elle s’exclame :
-QUOI ? C’est vrai ?? Je savais même pas que c’était possible ! Oh merci, merci, merci !
Vi se jette dans les bras de la femme qui manque de basculer en arrière sous l’impact, puis lui caresse les cheveux avec un sourire indéchiffrable.
-Eh oui, ma chère.
C’est à ce moment que Vi entend la clef tournée dans la porte d’entrée. Dahlia soupire, quand la jeune vampire s’arrache de ses bras pour foncer vers sa jumelle en piaillant et la serrer à son tour contre elle, brièvement à cause de l’enthousiasme qui l’empêche de tenir en place.
-Va ! Va ! Va ! Ma a trouvé une solution !! C’est trop bien !
Sans prendre la peine de s’expliquer plus que ça, elle repart en trombe dans la salle à manger et attrape la plume avec un grand sourire béat, prête à signer en attendant que Va la rejoigne en quelque pas. Assurément, sa sœur va être aussi heureuse qu’elle en apprenant la nouvelle.
-Si je signe là, je pourrais t’accompagner dehors, au soleil ! C’est pas génial ? Hein ? C’est super ! Je suis trop contente ! On va pouvoir sortir ensemble comme avant !
Elle est tellement excitée qu’elle failli renverser l’encrier et a un rire embarrassé. Avant de plonger la plume dans celui-ci. Prête à sceller son destin sans le savoir.
Elle est un peu énervée, Vi, parce qu’elle s’y est fourré toute seule. Mais elle voulait juste fêter avec sa jumelle. C’est si injuste, même quand elles pouvaient enfin tout avoir, la vie avait décidé de les ramener à la réalité avec cruauté ; et maintenant Vi est morte.
Et elle n’aime pas les inconvénients qui vont avec cette nouvelle condition. Elle n’aime pas ressentir de moins en moins de choses, et surtout elle n’aime pas rester enfermée ici toute la journée, à plus forte raison quand Va sort comme elle l’a fait aujourd’hui.
Elle se décide à quitter la pièce où elle est ; elle a déjà lu cinq fois tous les magazines qui s’y trouvent, essayé de jouer avec la moindre petite chose et même cassé un objet en bois dont elle n’a toujours pas réussi à déterminer l’utilité. Puis elle part se promener dans la maison en sifflotant un air qu’elle a entendu il y a trop longtemps et dont elle ne se rappelle plus l’origine. Peut-être qu’elle va bien finir par retrouver, ou bien qu’elle va enfin finir par mettre la main sur quelque chose d'intéressant, histoire de faire passer quelques minutes de plus qui rapprocherait le moment d’arrivée de sa sœur. Peut-être qu’il va enfin se passer quelque chose.
Mais il faut faire attention à ce qu’on souhaite. Alors qu’elle se balade sans but dans les couloirs en touchant à tout alors qu’elle connaît déjà toutes les étagères par cœur, elle se dirige vers la bibliothèque, prête à se plonger dans un livre quand son souhait s’exauce soudain ; elle entend une voix qui l’appelle. C’est pas celle de Va, mais une qu’elle apprécie presque tout autant. Jamais aucune n’arriverait à la hauteur de celle de sa jumelle, mais celle de Dahlia, qui les avait sauvées, est déjà assez pour la tirer de l’ennui morose dans lequel elle était plongée.
Alors Vi se précipite dans la salle à manger, depuis laquelle elle a entendu la voix de leur mère adoptive.
-Oui Ma’ ! J’arrive !
-Ah, Vilanelle, te voilà. Aujourd’hui est un grand jour.
Elle a un regard curieux, Vi. C’est plutôt rare que Dahlia, ou qui que ce soit d’ailleurs, utilise son prénom complet, alors elle sait que quelque chose d’important se prépare. Elle déteste ne pas savoir quoi et ses yeux pétille d’intérêts mais elle ne va pas tarder à avoir la réponse.
-Oui ? Qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce qu’il se passe ?
Sur la table, elle aperçoit des feuilles de papier à l’air ancien, et une plume qui repose à côté. Le tout semble avoir une aura particulière, mystique - elle n’est pas une sorcière, elle n’a jamais appris la magie mais elle a vécu une grande partie de sa vie entourée par elles. Même si elle lui est toujours restée inaccessible, Vi sait la reconnaître, un peu. Mais avant qu’elle ne pose d'autres questions, Dahlia prend la parole.
-Ma très chère, j’ai réussi à plaider notre cause auprès de la matriarche. Si tu signes ici, tu pourras recevoir un bijou qui pourra te permettre de te balader au soleil, en plein jour. Tu pourras accompagner ta soeur dehors, ne serait-ce pas merveilleux ?
Le visage de Vi s’éclaire au fur et à mesure des mots de la sorcière, et elle n’arrive plus à contenir son excitation quand elle s’exclame :
-QUOI ? C’est vrai ?? Je savais même pas que c’était possible ! Oh merci, merci, merci !
Vi se jette dans les bras de la femme qui manque de basculer en arrière sous l’impact, puis lui caresse les cheveux avec un sourire indéchiffrable.
-Eh oui, ma chère.
C’est à ce moment que Vi entend la clef tournée dans la porte d’entrée. Dahlia soupire, quand la jeune vampire s’arrache de ses bras pour foncer vers sa jumelle en piaillant et la serrer à son tour contre elle, brièvement à cause de l’enthousiasme qui l’empêche de tenir en place.
-Va ! Va ! Va ! Ma a trouvé une solution !! C’est trop bien !
Sans prendre la peine de s’expliquer plus que ça, elle repart en trombe dans la salle à manger et attrape la plume avec un grand sourire béat, prête à signer en attendant que Va la rejoigne en quelque pas. Assurément, sa sœur va être aussi heureuse qu’elle en apprenant la nouvelle.
-Si je signe là, je pourrais t’accompagner dehors, au soleil ! C’est pas génial ? Hein ? C’est super ! Je suis trop contente ! On va pouvoir sortir ensemble comme avant !
Elle est tellement excitée qu’elle failli renverser l’encrier et a un rire embarrassé. Avant de plonger la plume dans celui-ci. Prête à sceller son destin sans le savoir.
Va avait besoin d’occuper son esprit. Quoi que ce soit, pourvu que ça l’occupe, qu’elle ne repense pas au corps de sa sœur dans ses bras alors qu’elle la transportait jusqu’à leur mère. Pourvu qu’elle ne repense pas au fait qu’elle aurait perdu la personne qui comptait le plus à ses yeux, si celle-ci n’avait pas été humaine. Chaque fois qu’elle se posait, qu’elle ne faisait rien, son cerveau tournait en boucle. Cadavre, solitude, soulagement. Cadavre, solitude, soulagement. La tristesse d’avoir failli être seule était complétée par la joie d’avoir pu reprendre sa sœur dans ses bras malgré tout, et les deux amenaient un flot incessant de larmes qui inondaient son oreiller depuis deux nuits.
Il fallait vraiment qu’elle trouve comment s’occuper, et pour ça, rien de mieux que de se démener pour rendre la vie plus facile à sa sœur. Pendant tout son entraînement, elle s’était concentrée sur la magie, sous les ordres de Dahlia. Les fois où elle avait lu un chapitre sur les vampires se comptaient sur les doigts d’une main, et le nombre d’informations retenues était encore plus bas. À l’époque, les vampires n’étaient pas importants à ses yeux, seule sa magie et son pouvoir grandissant étaient dignes d’intérêt. Maintenant, les vampires feraient partie intégrante de sa vie. Une plutôt, une seule vampire. Mais pour elle, Va apprendrait tout ce qu’il y a à savoir. Seulement, Dahlia avait pris soin de ne garder dans la maison que les livres vraiment importants pour Vasilisa. Alors il lui fallait aller voir ailleurs.
Laisser Vi seule ne lui faisait pas plaisir ; elle se doutait que sa sœur ferait les cent, mille, un million de pas tant que le soleil serait levé. Elle pourrait sûrement dormir, mais Va doutait qu’elle ne le fasse. Non, elle connaissait sa sœur, et l’imaginer comme une louve en cage faisait revenir la tristesse qu’elle s’efforçait de chasser. Alors elle n’y pensait pas. Elle lisait, elle se renseignait, elle apprenait. Il y avait tant de choses à savoir sur les vampires, tant de technicalités, d’histoire, de spécificités liées aux différents Coven. Tous les détails n’étaient pas aussi facilement trouvables pour Mendenhall et Douglas Island, mais Va était ravie d’apprendre que dans leur coven, les vampires étaient respectés pour leur puissance. Elle imaginait déjà sa sœur se faire servir par d’autres sorcières parce qu’elle avait eu la chance de gagner une force surnaturelle. Le sourire que l’image tira à Va ne fut que de courte durée. Ce n’était pas une chance, que d’être morte.
Va lisait rapidement, sans tout analyser pour le moment. Elle ne voulait pas tout savoir, une seule chose lui importait réellement dans l’immédiat : les faiblesses des vampires. Plus particulièrement leur rapport au soleil, puisque Dahlia avait insisté pour que Vi ne s’expose pas. Le portrait qui en était fait dans les livres serra le cœur de Vasilisa. Voilà ce à quoi elle avait condamné sa sœur ; la peur de mourir au moindre rayon de soleil pénétrant la maison, l’incapacité de sortir pendant la plus grande partie de la journée. Mais il y avait une solution. Le chapitre sur les colliers d’os était le plus intéressant. Va nota les informations essentielles sur un papier, tandis que le reste s’inscrivait dans sa mémoire.
Forte de ces nouvelles informations, Va se dépêcha de rentrer à leur maison. Elle voulait annoncer la nouvelle à sa sœur, elle voulait voir la joie dans ses yeux quand elle lui expliquerait tout, puis qu’elles demanderaient à Dahlia de les aider pour la création du collier. Elle imaginait déjà sa réaction, son sourire et la manière dont sa voix allait partir dans les aigus sous la surprise et l’émotion. Pour une fois, Va n’avait pas besoin d’occuper son cerveau avec de la musique lors du chemin du retour : elle se sentait profondément bien. Tout se passerait bien, elles vivraient heureuses ensembles.
Vasilisa avait à peine le temps de refermer la porte derrière elle qu’elle fut prise en embuscade par une sœur bien plus heureuse que prévue, alors qu’elle ne lui avait pas encore annoncé la nouvelle. N’importe quel autre jour, elle lui aurait sûrement fait une remarque sur ce piaillement qui sortait de sa gorge, mais pas cette fois. Elle était juste heureuse de voir sa sœur si énergique, si vivante.
« Va ! Va ! Va ! Ma a trouvé une solution !! C’est trop bien ! »
Va savait d’instinct de quoi elle parlait. Dahlia s’était renseignée aussi, et elle lui avait déjà tout dit sur les colliers en os de Waelnus. Va souriait face à sa sœur, mais ne put retenir une expression boudeuse dès que Vi lui tourna le dos pour l’amener jusqu’à la bibliothèque où se trouvait leur mère. Elle voulait être celle qui lui annoncerait la nouvelle. Elle voulait être celle qui verrait la surprise. C’était son moment, à elle. Pas à Dahlia. Mais elle pouvait difficilement en vouloir à leur mère d’avoir cherché elle aussi comment rendre sa liberté à Vi. Alors elle mettait de côté sa jalousie, pour se concentrer sur la joie de sa sœur. Oui, c’était tout comme elle l’imaginait : si elle ne se retenait pas, Vi serait en train de bondir jusqu’au plafond avec sa force nouvellement acquise.
« Si je signe là, je pourrais t’accompagner dehors, au soleil ! C’est pas génial ? Hein ? C’est super ! Je suis trop contente ! On va pouvoir sortir ensemble comme avant ! »
Ce fut la phrase qui la fit tiquer. La signature. Pourquoi signer quoi que ce soit ? Vi n’avait rien à faire, c’était à Va et Dahlia de créer le bijou et d’y insuffler leur magie. Alors pourquoi signer ? Des bribes de ses lectures du jour revinrent à Vasilisa. Leur coven ne procédait plus ainsi, mais celles de Mendenhall échangeaient encore souvent la liberté des vampires contre les colliers leur permettant de sortir.
Vasilisa vit sa sœur se saisir de la plume pleine d’encre comme si la scène était au ralenti. Elle agit avant de réfléchir, attrapant son bras d’un geste moins mesuré qu’elle l’aurait souhaité. Arrêtée dans son mouvement, Vi la regardait d’un air surpris, presque perdu. Et Dahlia ? Dahlia était insondable, mais son regard était bien porté sur elle. Sur celle qui venait de se donner en spectacle en empêchant sa sœur d’offrir sa liberté.
« Vi, est-ce que tu as lu, avant de signer ? »
Non, évidemment que non. Vi ne perdrait pas son temps à lire quelque chose lorsqu’on lui offrait ce qu’elle convoitait sur un plateau d’argent ; qu’est-ce qu’une simple signature contre la possibilité de sentir le soleil à nouveau contre sa peau ? Va eut un regard attendri pour sa sœur. À sa place, elle aurait sûrement fait la même chose. Elle ne la laisserait pas faire pour autant. Pas avant d’avoir lu chaque ligne de ce papier.
La plupart des lignes étaient inutile, à vrai dire. Elle ne les comprenait pas toutes, certaines utilisant un jargon savamment choisi. Mais elle en saisissait le plus important. Celles qui disaient que Vilanelle Hawthorne acceptait d’obéir au moindre mot de Dahlia Hawthorne. Des souvenirs remontaient à la surface. Le souvenir d’une théorie impossible qui peignait Dahlia comme une manipulatrice, qui aurait élevé Vi dans le simple but de la transformer en vampire. Elle avait trouvé cela impossible, à l’époque. Elle avait fait taire ces pensées à grand renfort de joints et de soirées. Elle ne pouvait plus y échapper maintenant.
La voix presque brisée, presque inquisitrice, Va haussa la voix plus qu’elle ne comptait le faire à l’origine.
« Ma, pourquoi tu veux que Vi signe ça ? Qu’elle obéisse à tous tes mots, pour toujours ? On peut juste lui donner le collier, non ? On peut juste lui donner la liberté, sans contraintes. On est pas obligées de la faire signer un contrat. C’est les autres qui font ça, pas nous. Non ? »
D’inquisitrice, elle était passée à simplement triste. Les larmes qu’elle retenait étaient prises dans sa gorge et s’entendaient dans chacun de ses mots. Elle avait l’impression d’être folle, de dire n’importe quoi, qu’elle accusait leur mère pour rien, qu’elle avait manqué un détail, quoi que ce soit. Elle doutait d’elle-même, alors qu’elle savait au fond qu’elle avait raison. Que Dahlia comptait profiter d’elle autant qu’elle le pourrait.
Il fallait vraiment qu’elle trouve comment s’occuper, et pour ça, rien de mieux que de se démener pour rendre la vie plus facile à sa sœur. Pendant tout son entraînement, elle s’était concentrée sur la magie, sous les ordres de Dahlia. Les fois où elle avait lu un chapitre sur les vampires se comptaient sur les doigts d’une main, et le nombre d’informations retenues était encore plus bas. À l’époque, les vampires n’étaient pas importants à ses yeux, seule sa magie et son pouvoir grandissant étaient dignes d’intérêt. Maintenant, les vampires feraient partie intégrante de sa vie. Une plutôt, une seule vampire. Mais pour elle, Va apprendrait tout ce qu’il y a à savoir. Seulement, Dahlia avait pris soin de ne garder dans la maison que les livres vraiment importants pour Vasilisa. Alors il lui fallait aller voir ailleurs.
Laisser Vi seule ne lui faisait pas plaisir ; elle se doutait que sa sœur ferait les cent, mille, un million de pas tant que le soleil serait levé. Elle pourrait sûrement dormir, mais Va doutait qu’elle ne le fasse. Non, elle connaissait sa sœur, et l’imaginer comme une louve en cage faisait revenir la tristesse qu’elle s’efforçait de chasser. Alors elle n’y pensait pas. Elle lisait, elle se renseignait, elle apprenait. Il y avait tant de choses à savoir sur les vampires, tant de technicalités, d’histoire, de spécificités liées aux différents Coven. Tous les détails n’étaient pas aussi facilement trouvables pour Mendenhall et Douglas Island, mais Va était ravie d’apprendre que dans leur coven, les vampires étaient respectés pour leur puissance. Elle imaginait déjà sa sœur se faire servir par d’autres sorcières parce qu’elle avait eu la chance de gagner une force surnaturelle. Le sourire que l’image tira à Va ne fut que de courte durée. Ce n’était pas une chance, que d’être morte.
Va lisait rapidement, sans tout analyser pour le moment. Elle ne voulait pas tout savoir, une seule chose lui importait réellement dans l’immédiat : les faiblesses des vampires. Plus particulièrement leur rapport au soleil, puisque Dahlia avait insisté pour que Vi ne s’expose pas. Le portrait qui en était fait dans les livres serra le cœur de Vasilisa. Voilà ce à quoi elle avait condamné sa sœur ; la peur de mourir au moindre rayon de soleil pénétrant la maison, l’incapacité de sortir pendant la plus grande partie de la journée. Mais il y avait une solution. Le chapitre sur les colliers d’os était le plus intéressant. Va nota les informations essentielles sur un papier, tandis que le reste s’inscrivait dans sa mémoire.
Forte de ces nouvelles informations, Va se dépêcha de rentrer à leur maison. Elle voulait annoncer la nouvelle à sa sœur, elle voulait voir la joie dans ses yeux quand elle lui expliquerait tout, puis qu’elles demanderaient à Dahlia de les aider pour la création du collier. Elle imaginait déjà sa réaction, son sourire et la manière dont sa voix allait partir dans les aigus sous la surprise et l’émotion. Pour une fois, Va n’avait pas besoin d’occuper son cerveau avec de la musique lors du chemin du retour : elle se sentait profondément bien. Tout se passerait bien, elles vivraient heureuses ensembles.
Vasilisa avait à peine le temps de refermer la porte derrière elle qu’elle fut prise en embuscade par une sœur bien plus heureuse que prévue, alors qu’elle ne lui avait pas encore annoncé la nouvelle. N’importe quel autre jour, elle lui aurait sûrement fait une remarque sur ce piaillement qui sortait de sa gorge, mais pas cette fois. Elle était juste heureuse de voir sa sœur si énergique, si vivante.
« Va ! Va ! Va ! Ma a trouvé une solution !! C’est trop bien ! »
Va savait d’instinct de quoi elle parlait. Dahlia s’était renseignée aussi, et elle lui avait déjà tout dit sur les colliers en os de Waelnus. Va souriait face à sa sœur, mais ne put retenir une expression boudeuse dès que Vi lui tourna le dos pour l’amener jusqu’à la bibliothèque où se trouvait leur mère. Elle voulait être celle qui lui annoncerait la nouvelle. Elle voulait être celle qui verrait la surprise. C’était son moment, à elle. Pas à Dahlia. Mais elle pouvait difficilement en vouloir à leur mère d’avoir cherché elle aussi comment rendre sa liberté à Vi. Alors elle mettait de côté sa jalousie, pour se concentrer sur la joie de sa sœur. Oui, c’était tout comme elle l’imaginait : si elle ne se retenait pas, Vi serait en train de bondir jusqu’au plafond avec sa force nouvellement acquise.
« Si je signe là, je pourrais t’accompagner dehors, au soleil ! C’est pas génial ? Hein ? C’est super ! Je suis trop contente ! On va pouvoir sortir ensemble comme avant ! »
Ce fut la phrase qui la fit tiquer. La signature. Pourquoi signer quoi que ce soit ? Vi n’avait rien à faire, c’était à Va et Dahlia de créer le bijou et d’y insuffler leur magie. Alors pourquoi signer ? Des bribes de ses lectures du jour revinrent à Vasilisa. Leur coven ne procédait plus ainsi, mais celles de Mendenhall échangeaient encore souvent la liberté des vampires contre les colliers leur permettant de sortir.
Vasilisa vit sa sœur se saisir de la plume pleine d’encre comme si la scène était au ralenti. Elle agit avant de réfléchir, attrapant son bras d’un geste moins mesuré qu’elle l’aurait souhaité. Arrêtée dans son mouvement, Vi la regardait d’un air surpris, presque perdu. Et Dahlia ? Dahlia était insondable, mais son regard était bien porté sur elle. Sur celle qui venait de se donner en spectacle en empêchant sa sœur d’offrir sa liberté.
« Vi, est-ce que tu as lu, avant de signer ? »
Non, évidemment que non. Vi ne perdrait pas son temps à lire quelque chose lorsqu’on lui offrait ce qu’elle convoitait sur un plateau d’argent ; qu’est-ce qu’une simple signature contre la possibilité de sentir le soleil à nouveau contre sa peau ? Va eut un regard attendri pour sa sœur. À sa place, elle aurait sûrement fait la même chose. Elle ne la laisserait pas faire pour autant. Pas avant d’avoir lu chaque ligne de ce papier.
La plupart des lignes étaient inutile, à vrai dire. Elle ne les comprenait pas toutes, certaines utilisant un jargon savamment choisi. Mais elle en saisissait le plus important. Celles qui disaient que Vilanelle Hawthorne acceptait d’obéir au moindre mot de Dahlia Hawthorne. Des souvenirs remontaient à la surface. Le souvenir d’une théorie impossible qui peignait Dahlia comme une manipulatrice, qui aurait élevé Vi dans le simple but de la transformer en vampire. Elle avait trouvé cela impossible, à l’époque. Elle avait fait taire ces pensées à grand renfort de joints et de soirées. Elle ne pouvait plus y échapper maintenant.
La voix presque brisée, presque inquisitrice, Va haussa la voix plus qu’elle ne comptait le faire à l’origine.
« Ma, pourquoi tu veux que Vi signe ça ? Qu’elle obéisse à tous tes mots, pour toujours ? On peut juste lui donner le collier, non ? On peut juste lui donner la liberté, sans contraintes. On est pas obligées de la faire signer un contrat. C’est les autres qui font ça, pas nous. Non ? »
D’inquisitrice, elle était passée à simplement triste. Les larmes qu’elle retenait étaient prises dans sa gorge et s’entendaient dans chacun de ses mots. Elle avait l’impression d’être folle, de dire n’importe quoi, qu’elle accusait leur mère pour rien, qu’elle avait manqué un détail, quoi que ce soit. Elle doutait d’elle-même, alors qu’elle savait au fond qu’elle avait raison. Que Dahlia comptait profiter d’elle autant qu’elle le pourrait.
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